Creating
Future

Future
Singularities

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Julie Dao Duy

Du Grand Nord aux contrées désertiques en passant par la conquête de l’espace, les environnements les plus extrêmes inspirent les créateurs pour élaborer un nouveau vestiaire du quotidien tout-terrain qui mixe allègrement Couture, outdoor et athleisure.

Jusqu’au 6 janvier 2018, le Fashion Institute of Technology de New York présente l’exposition «  Expedition: Fashion from the Extreme  ».

Territoires inconnus et contrées sauvages fascinent depuis la nuit des temps de multiples champs créatifs. À partir des années 60, la mode commence à s’inspirer des vêtements techniques conçus pour affronter les environnements et climats les plus hostiles, à l’image des silhouettes de la Maison de Couture Grès inspirées des tenues traditionnelles des Inuits.

Combinaison futuriste signée Helmut Lang, manteau technique de Junya Watanabe, veste à écailles Chanel ou robe Alexander McQueen trompe-l’œil inspirée par la bioluminescence des méduses… Le parcours, qui nous emmène du pôle Nord jusqu’au cœur des plaines tanzaniennes du Serengeti, est ponctué par plus de 70 pièces étonnantes faisant écho aux dernières fashion weeks de New York, Paris ou Milan.

Nouveaux nomadismes

«La femme Balmain est une aventurière des temps modernes» déclarait Olivier Rousteing lors du défilé automne-hiver 17-18 de la griffe, livrant une collection s’inspirant des grands espaces sauvages : matières naturelles telles que daim ou croco s’associent à des tressages, des franges ou des imprimés animaliers.

Pour le printemps-été 2018, tandis que la coupole du Grand Palais abritait une gigantesque cascade pour mettre en scène la collection Chanel faisant la part belle aux teintes aquatiques et au PVC, les vestiaires Carven et Loewe donnent des envies d’ailleurs, avec un mix & match aux influences baroudeuses réunissant madras antillais, motifs cachemire indien, châles espagnols et vestes safaris revisitées.

Les imprimés paysage ultra-réalistes aux accents kitsch s’invitent également sur pantalons, robes ou en total look chez Balenciaga, Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood et Issey Miyake.

Changement de décor chez Martin Margiela : entre deux avions, la globe-trotteuse adopte un trench déconstruit doté d’une étiquette « Priority » ou « Carry-on baggage », se mariant avec un sac rembourré tel un oreiller moelleux.

Comfort zone

Confort et réconfort sont à l’honneur sur les catwalks. Les créateurs jouent sur les proportions, les matières et les effets, avec notamment des pièces architecturées et des volumes extrêmes pour un vestiaire tout en rondeurs, tel un cocon.

Parkas directement inspirées des expéditions polaires chez Kenzo, doudounes reproportionnées et adoptant des couleurs acidulées chez Balenciaga, ou en version sculpturale et ultra enveloppante chez Thom Browne.

Les effets padding sont également sur le devant de la scène, comme chez Junya Watanabe ou Mulberry, cet hiver, avec des manteaux capes aux allures de couverture matelassée directement inspirés de l’univers équestre, mais aussi dans les collections SS18 et Resort 18 signées Balenciaga.

Space age

Les créateurs n’ont cessé de s’inspirer du cosmos, à l’image d’André Courrèges, Paco Rabanne ou Pierre Cardin, dont les collections  s’inspirent largement de l’ère spatiale, qui a démarré avec le lancement de Spoutnik 1 en 1957.

Cet hiver, doudounes XXL et vestes matelassées se parent de teintes métallisées inspirées des combinaisons spatiales, notamment chez Chanel, Anne Sofie Madsen ou Nehera.
L’influence du « space age » se confirme dans les collections SS18 de Thom Browne et Valentino. Pierpaolo Piccioli s’est ainsi inspiré d’Orlando Furioso, poème épique du 16e siècle composé par Ludovico Ariosto, dans lequel Orlando devient fou de n’être pas aimé par Angélique. La raison perdue par Roland est retrouvée sur la Lune par son ami Astolphe. « J’aime l’idée de retrouver sur la lune ce que le cœur a perdu… Et j’ai toujours été fasciné par la mission Apollo 8 ». (Pierpaolo Piccioli)

Poétique et futuriste, le défilé signé Thom Browne, qui présentait pour la première fois sa collection féminine à Paris, nous embarque dans un rêve éveillé : un voyage onirique où des cosmonautes en tutus défilent aux côtés de créatures de l’espace et de licornes en organza. Le point de départ de ce vestiaire fantasmagorique ? Le tailoring, avec des formes et pièces qui renouvellent le tailleur, mettant à l’honneur reflets lunaires, tulle et jeux de transparence.

Tech chic

« Adapté aux données climatiques, le confort de l’athleisure désormais indispensable est sublimé : les frontières avec le vestiaire quotidien sont floutées et les déclinaisons inédites des innovations techniques ouvrent de nouvelles perspectives. » (Cahier mode femme SS19, thème Echappée Terrestre)

Le nylon, omniprésent sur les catwalks de Paris à Milan, s’hybride et se féminise. Mary Katrantzou imagine une collection aérienne jouant sur les effets de matière, les superpositions et les proportions. Robes boule, jupes évasées et manches gonflées semblent fusionner avec des parkas parachute ultra-légères.

Chez Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière joue le mélange des genres et des époques mixant joyeusement broderies, robes corsetées et vestes à brocard inspirées du XVIIIème siècle à des shorts en nylon, des pantalons métallisés et sneakers futuristes.

 

On retrouve ce mix & match entre athleisure et matières luxueuses chez de nombreux créateurs, de Céline à Koché, Marc Jacobs ou Y Project en passant par Balenciaga, qui met à l’honneur superpositions et trompe-l’œil, ou encore Valentino avec des tailleurs- k-ways, des joggings-smokings et des robes vestales mariées à des parkas multipoches.

Ce nouveau vestiaire mixe sensualité et fonctionnalité, luxe et confort pragmatique, faisant fusionner le beau et l’utile pour une allure puissante et sophistiquée d’amazone urbaine.