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Singularities

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Julie Dao Duy

Par Julie Dao Duy, Marie Sauvêtre

Diversité des corps et des âges, multiplication des influences venues d’ailleurs, choix capillaires singuliers assumés… La beauté au masculin se réinvente en permanence. Les tendances repérées lors de notre précédent article « Masculinité : la fin du modèle hipster ? » évoluent : l’androgyne se lasse de la confusion des genres, la tendance rebelle s’adoucit et quitte les pays de l’Est pour puiser ailleurs de nouvelles inspirations. Après les roux, c’est la dépigmentation qui l’emporte aujourd’hui, tandis que les coupes afro et dreadlocks revendiquent à la fois une appartenance culturelle et un besoin de naturel. Enfin, c’est la beauté de la maturité que l’on admire désormais sur les podiums comme sur papier glacé.

Les androgynes, entre skate et romantisme

Entretenue par des mannequins comme Pat Dudek et Stav Strashko ou encore par l’ancien danseur Willy Cartier, la confusion des genres incarnait jusqu’alors une tendance forte sur les podiums et dans les campagnes de pub. Celle-ci tend aujourd’hui à s’adoucir. Les hommes androgynes ne cherchent plus à ressembler à des femmes ou à semer le doute. Ils imposent au contraire une virilité à la fois douce et romantique.

Les nouveaux « Lords of Dogtown » arpentent les podiums avec leur gueule d’ange, cheveux longs, mâchoire carrée et regard ténébreux. La dernière campagne de pub de la marque Y-3 met en scène le mannequin Anton Toftgard, déjà repéré sur les défilés de JW Anderson pour son look androgyne sous influence skate. On retrouve cette même dégaine sur les défilés SS 17 de Zachary Prell, Ovadia & Sons et Jon Varvatos.

Les androgynes se montrent aussi plus romantiques, adoptant un look de jeune héros littéraire et naïf comme dans le dernier défilé Burberry qui s’inspirait de l’œuvre de Virginia Woolf. On retrouve également ces visages à l’allure juvénile chez Valentino, Margiela ou encore Dries Van Noten.

Un look de « garçonnet » sur lequel mise Kate Moss, qui vient de lancer sa propre agence de mannequin, « Kate Moss Agency ». Elle souhaite révéler les « stars de demain » et vient de signer le jeune Louis Baines, figure Topman 2014. Celui-ci est le premier mannequin homme à intégrer l’agence, aux côtés de Eifie Reigate, dont la carrière commence sur les chapeaux de roues (bookée en deux jours sur le défilé Alexander Mc Queen).

Quant aux dernier Vogue Homme, il offre sa couverture à Jegor Venned, mannequin danois à la gueule d’ange et nouvelle star des réseaux sociaux qui a récemment foulé le catwalk du défilé Balmain.

Les rebelles soft

Après les looks « voyous » et la tendance banlieue des pays de l’est insufflée par Gosha Rubchinskiy, les nouveaux rebelles puisent leur inspiration ailleurs, gagnant en zénitude et en spiritualité.

Les tatouages, aussi identitaires qu’esthétiques, reviennent sur le devant de la scène. Chez Facetasm, The Kooples ou encore Haider Ackermann, les mannequins au crâne rasé défilent manches relevées, tatouages sur les bras, le torse, le dos et même la nuque. Une influence asiatique forte, empreinte de symbolisme, entre look bonze et néo-yakuza.

Sur le défilé Gucci, le tatouage prend une nouvelle dimension. En lettres gothiques, les citations du poète britannique William Blake s’affichent sur le visage du mannequin letton Lorens. Le style du tatouage n’est pas sans rappeler celui des gangs, mais la tenue vestimentaire, le choix des mots (« pretty rose tree ») ainsi que l’encre éphémère (il s’agit d’une mise en beauté temporaire) apportent sophistication, douceur et romantisme.

Blancheur singulière

On évoquait déjà dans notre précédent article le besoin de revendiquer ses différences, qu’elles soient liées à la couleur de peau, des cheveux ou simplement à une « gueule » atypique qui, justement, rend beau.

Aujourd’hui, la tendance est aux teints diaphanes et aux cheveux décolorés, voire même blancs, à l’image des looks aux accents 80’s repérés sur les défilés SS 17 de Lanvin, David Hart et Ovadia & Sons mais aussi dans les séries mode des magazines et les campagnes de pub.

Shaun Ross n’est plus le seul mannequin albinos représenté sur les podiums. L’américain Stephen Thompson, qui affiche sa beauté dans les pages du magazine Numéro, a défilé à Berlin pour Esther Perbandt et apparaît dans des séries mode de Blow Berlin Magazine ou encore Bold Magazine.

Blanc ou blond platine, la décoloration capillaire initiée par Lucky Blue Eyes et Justin Bieber tend elle aussi à perdurer. Toujours propre à la génération des « millennials », elle est incarnée par de nouveaux visages dans les campagnes de mode.

Gabriel Lewis Kane, le fils d’Isabelle Adjani, l’a adoptée. Sa couleur est bien moins clean que celles des exemples cités plus haut. Il arbore fièrement son look plus grunge et ses racines apparentes dans la campagne SS16 de Zadig et Voltaire et dans la nouvelle campagne SS 17 de Dolce Gabbana à destination des Millenials. La marque italienne a commencé à en diffuser les « coulisses » sur son fil Instagram. On y découvre d’ailleurs que les « cool kids »  (tous des fils de célébrités) Cameron Dallas, Presley Gerber et Brandon Lee Dallas jouent eux aussi la carte du blond décoloré.

Coupe Afro & dreadlocks street

Sur les podiums et dans les magazines, culture street et coupes afro s’imposent. Les hommes suivent eux aussi la tendance du « nappy hair » (naturel + happy) et revendiquent leur appartenance culturelle en adoptant dreadlocks et tresses.  Les icônes mode se multiplient. Jaden Smith, dans The Get Down ou en couverture de Numéro, est le jeune représentant d’une culture street métissée et agender. Le rappeur A$AP Rocky pose élégamment pour Dior tandis que Luka Sabbat est le nouveau « it boy » des réseaux sociaux et de la fashion sphère. Les coupes afro défilent aussi chez Rochambeau, Krammer Stoudt, N Hollywood ou encore Ovadia & Sons.

Le bel âge

Joan Didion pour Céline, Daphne Selfe pour &Other Stories, Vanessa Redgrave pour Gucci… Les femmes seniors se sont déjà fait remarquer en tête d’affiche des magazines et campagnes de pub. C’est aujourd’hui au tour des hommes d’affirmer qu’il n’y a plus d’âge pour fouler les catwalks et devenir une icône mode.

A 80 ans, l’artiste et comédien chinois Deshun Wang a défrayé la chronique en défilant lors de la dernière China Fashion week. Il a affiché un corps sculpté par des années de fitness.

En France, l’agence MASTER s’est même spécialisée dans les « baby-boomers » et les « seniors ». Le magazine Citizen K a d’ailleurs fait appel à certains de leurs mannequins pour sa série Apparat chic. On y découvre Max Delor et Jacques Fivel (qui a défilé pour Yohji Yamamoto en 2011) posant pour le photographe Louis Décamps. Ces seniors bien dans leur peau véhiculent une nouvelle image de la masculinité, grisonnante et pleine d’avenir.