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Plus écologique, aussi souple et Made in France, le lin s’impose comme le remplaçant indiscutable du coton. Pourquoi, mais surtout comment?

Pour répondre à cette question sur le renouveau de la filière du lin, nous avons rencontré lors du Salon Première Vision en Février 2020, Pierre Schmitt, président du groupe textile alsacien Velcorex.        Confiant, il entend reconquérir la transformation de ce matériau noble dont le traitement est depuis plus de vingt ans réalisé en Chine.

Photos: S Sandé

En effet, si la France est le premier producteur mondial de lin – 110 000 tonnes de fibres cultivées entre la Normandie et les Flandres – 80 % de sa production sera filée en Chine avant d’être réacheminée en Europe.

Depuis le début 2020, en partenariat avec le spécialiste mondial du lin NSC Schlumberger, Velcorex a installé sa propre filature de lin au sein d’Emmanuel Lang, entreprise du groupe reconnue pour son savoir-faire de coloriste de fils et tisseur de tissé-teint.

Sandrine Maggiani : Pourquoi avoir choisi de revaloriser la filière du lin ?

Pierre Schmitt :  Parce qu’en tant qu’industriels du secteur de la mode, nous devons agir pour lutter contre une crise environnementale majeure, et le lin est une matière ancestrale, éco-responsable et innovante.

En plus d’être une matière naturelle biodégradable, il est peu exigeant en azote (éviter la pollution par les nitrates), sa culture nécessite peu de produits phytosanitaires, peu de pesticides et peu d’eau comparé au coton (8.000 à 10.000 litres d’eau sont nécessaires à la fabrication d’un jean). Le lin est aussi respirant, thermorégulateur, isolant, léger et résistant…reconnu pour ses qualités hypoallergéniques et antibactériennes.

SM: De quelle manière contribuez-vous à une production éco-responsable ?

PS: En relocalisant la filière en France.  En fervent défenseur du circuit court et de la traçabilité – recherchés par les marques, les confectionneurs et les consommateurs- le lin que nous créons revendique une empreinte carbone et un impact environnemental minimum. Nous sommes traçables du champ au vêtement. Le tout dans un écosystème qui se veut aussi beaucoup plus écologique : L’usine étant située à Hirsingue, au sud de Mulhouse (Haut-Rhin).

La matière première provient de Normandie où elle est cultivée, nous la filons et tissons avec un procédé au sec qui nécessite très peu d’eau, puis nous en prenons soin jusqu’au brossage, nettoyage et flambage. Ce qui nous permet de valoriser le profil exemplaire de la fibre par des finissages écologiques labellisés.

SM : Quelle est votre capacité de tissage à court terme?

PS : L’objectif reste modeste. C’est une filature qui devrait pouvoir tisser environ 150 tonnes par an, soit une capacité de production entre 500 000 et 700 000 mètres de tissus en lin 100 % entièrement made in France.

En parallèle, très prochainement, nous allons fabriquer des jeans 100 % lin. A partir de 150 tonnes de fibres nous pourrons en produire 120.000 par an. Avec 85 millions de jeans vendus en France chaque année, il y a de la place sur le marché.

SM : Pour quels résultats ?

PS : Après quelques mois de recherches, nous sommes parvenus à obtenir un lin aussi doux, plus lumineux et plus résistant qu’un coton. À court terme, nous produirons essentiellement de grosses fibres qui pourront être utilisées pour des pantalons ou des tissus d’ameublement.

Nous avons également été sollicités par des marques haut de gamme et de jeunes créateurs français qui envisagent déjà de faire réaliser des associations entre le lin et la laine, le Kevlar ou la soie. Grâce à ces initiatives créatives, le lin ira progressivement vers plus d’hybridation…

Comme vu dans le thème RUSTIC CHIC de notre notre cahier de tendance « INSPIRATIONS : Envisioning Future(s) » : Un retour aux sources de la matière première dépourvue d’artifice, pour réinventer une élégance humble, une austérité rassurante.