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Singularities

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Julie Dao Duy

Après avoir longtemps misé sur le rêve et la promesse d’un monde idéal, les marques se penchent aujourd’hui sur notre quotidien pour tenter de séduire un consommateur bien plus pragmatique.

Désormais ancrées dans la réalité, les stratégies de communication des marques s’intéressent à nos faiblesses ou à nos petits défauts pour nous faciliter la vie.

Le consommateur cherche à s’identifier aux marques (cf notre article « Nos amies les marques ») et à améliorer son quotidien. Le succès de la « sharing economy » s’inscrit dans cette dynamique, prônant les valeurs humaines du partage, du service, et réinventant la notion de communauté.

Dans le dernier numéro du Magazine Fortune de janvier 2017, les trois « boss » trentenaires d’Airbnb font la Une. Sous le titre « 10 breakthrough brands » (« les 10 marques qui percent »), Brian Chesky, Nathan Blecharczyck et Joe Gebbia incarnent le renouveau. Airbnb, Waze, Uber et Snapchat, qui ont réussi à trouver leur place aux côtés de poids lourds comme Apple, Google ou Amazon, développent des stratégies marketing et de nouveaux outils centrés sur une version améliorée de nous-mêmes.

S’attaquer à nos vilains défauts

Vous avez oublié l’adresse ? Avec sa nouvelle campagne intitulée « People are the new places », Uber apporte un peu plus d’humanité à sa plateforme. Il est désormais possible de demander à Uber de rejoindre une personne plutôt que de taper une localisation précise. Pratique, quand on la mémoire courte et oublié l’adresse. Comme la marque l’explique sur son blog, les trajets en Uber sont faits pour connecter les gens entre eux.  Les utilisateurs pourront bien sûr accepter ou refuser d’être géo-localisés. Uber propose même un temps d’arrivée estimé au destinataire. Et pour rendre l’expérience encore plus « sociable », la marque s’est associée à Snapchat (qui apparaît aussi sur la liste de Fortune) afin de permettre à ses utilisateurs d’envoyer coordonnées et selfies en « live » directement depuis Uber. Plus besoin de switcher d’une appli à une autre.

 

Souvent en retard ? Waze, l’application de navigation routière qui a atteint les 50 millions d’utilisateurs en seulement 4 ans (avant son rachat par Google), a lancé en 2016 « Planned drive » (« trajet planifié »). Grâce à un algorithme prédictif, l’application vous propose désormais une heure de départ adaptée en fonction des bouchons ou éventuelles déviations sur votre trajet. Elle permet aux utilisateurs d’anticiper le trafic pour être sûr d’arriver à l’heure à un rendez-vous.

En proposant ces nouvelles fonctionnalités, les deux entreprises montrent qu’elles sont capables d’être présentes au quotidien, pour faciliter la vie des consommateurs.

Faire de nous des insiders

Le nouveau bar trendy à New York, l’adresse secrète d’une cantine locale à Londres ou les bons spots pour pêcher à Paris ? Plus besoin d’avoir vécu ou séjourné dans une ville pour en connaître les meilleures adresses.

Avec ses 140 millions de « guest arrivals » (check-in d’utilisateurs) depuis son lancement en 2008 et sa valorisation à 30 billions de dollars US (plus que le Hilton, proche de celle du Mariott), l’empire Airbnb est en passe de dominer le marché. Dans son livre « the Airbnb Story, how three ordinary guys disrupted an industry, made billions…and created plenty of controversy », (sortie officielle le 4 février 2017) la journaliste Leigh Gallagher parle du tournant qu’a pris la marque en 2013. Les trois co-dirigeants d’Airbnb ont choisi d’enquêter sur leurs utilisateurs pour en savoir plus sur leurs envies et besoins. De cette étude est né un constat : les «guests » ne veulent pas être des touristes mais bien des « insiders ». Ainsi a été trouvée la devise d’Airbnb « Belong anywhere » (Se sentir chez soi partout). Depuis la conception de leur nouveau logo jusqu’au dernier lancement retentissant de « Trips », Airbnb a bâti son identité autour de ce concept. Chacun peut se sentir chez soi partout, en bénéficiant des adresses secrètes des locaux. Chaque voyageur devient ainsi un initié, une version « augmentée » de lui-même.

« The more you can design this as a single system, typically, the better these things work »

Miser sur la sphère privée

Ils s’appellent Brian Chesky (Airbnb), Jack Dorsey (Twitter), Evan Thomas Spiegel (Snapchat), Garrett Camp (Uber)…Leur histoire incarne le rêve américain, dans sa version 2.0. A l’ère du digital, les start-ups de la sharing economy ont la capacité de transformer de jeunes entrepreneurs un peu geek en businessmen ultra-puissants, le tout en quelques années. Pourtant, c’est bien leur côté accessible, version « boy next door », qui fait leur succès auprès des utilisateurs.

Fin 2016, Brian Chesky a lancé une opération séduction auprès de ses utilisateurs. Le 26 décembre, il postait sur son fil Twitter « Si @Airbnb devait lancer quelque chose en 2017, ce serait quoi ? ». Les réactions ont vite afflué, chacun y allant de sa proposition, (des plus classiques aux plus farfelues), mais le CEO d’Airbnb s’est contraint à répondre à tous les participants (1000 twittos ont répondu à l’appel). Cette initiative a été suivie par le patron de Twitter, Jack Dorsey, dès le 29 décembre, avec plus de 7500 réponses. En entamant ainsi une conversation avec leur communauté, ces jeunes entrepreneurs entretiennent une relation de proximité, tout en rendant leur marque accessible.

Après une tendance à la « starisation » de leurs dirigeants (comme Apple avec Steve Jobs ou Jonathan Ive) et une mise en scène toujours plus théâtralisée, les nouveaux venus misent au contraire sur la sphère intime. Mark Zuckerberg lui-même amorce un virage en promettant en début d’année à ses utilisateurs d’aller directement à leur rencontre. Fin 2017, le multimilliardaire aura « visité et rencontré des gens dans tous les Etats des Etats-Unis. « Au moment où je commence ce défi, il me semble que nous sommes à un instant charnière de l’histoire. Pendant des décennies, la technologie et la mondialisation nous ont rendus plus productifs et plus connectés. Cela a créé de grands bénéfices, mais pour beaucoup de gens cela a aussi rendu la vie plus complexe » a-t-il expliqué.

Gagner en culture G

Le T brand Studio, agence de communication et de contenu éditorial du New York Times s’est spécialisée dans le native advertising. Les Paid Post, ou contenus sponsorisés, ont quasiment la même valeur informative et rédactionnelle que les articles du célèbre quotidien. Les logos de BMW, Shell, Netflix ou encore Airbnb se font vite oublier. Le contenu est impactant et bien documenté. Parmi les plus célèbres, l’article « Women inmates : Why the male model doesn’t work », publié à l’occasion de la sortie de Orange is the new black sur Netflix. La recette fait mouche : illustrations, vidéos, interview et statistiques à l’appui, on découvre ainsi l’univers carcéral des femmes aux Etats-Unis. Plus récemment, les lecteurs du New York Times découvraient l’histoire des immigrés d’Ellis Island dans l’article « Via an Island of Hope, a new home », sponsorisé par Airbnb.  Riches en photos d’archives, en chiffres, illustré et ponctué d’anecdotes, cet article fait presque office de cours d’histoire, dans une version poignante. La marque de luxe Tiffany & Co s’est elle aussi offert les services du T Brand Studio pour une série de 5 vidéos autour de l’art « New ways of seeing ». Dans les deux premiers épisodes, on y découvre la vision de la critique d’art Jerry Saltz, ainsi que les coulisses de la biennale de Whitney.

Tous des « slasheurs »

 

Monique Dagnaud, Directrice de recherche au CNRS s’est intéressée à l’économie collaborative dans Le modèle californien (paru chez Odile Jacob en mai 2016) et plus particulièrement à la notion de juxtaposition. En effet, ces jeunes marques innovantes permettent aux consommateurs d’accéder à de nouveaux statuts beaucoup plus facilement : consultant, conférencier, artiste-peintre, amateur de sports extrême…les « slasheurs » ne sont plus uniquement des Millennials en quête d’expérimentations artistiques (Etudiant/ DJ/danseur), ils représentent désormais toutes les générations et tous les domaines professionnels (boulanger/amateur de pêche (Trips)/hébergeur Airbnb).

 

Parmi les « 10 marques qui percent » du magazine Fortune, une semble cependant se démarquer et sortir du schéma exposé ci-dessus. Il s’agit de TESLA et de son charismatique leader, Elon Musk. Bien moins terre-à-terre, le génie multimillionnaire s’intéresse quant à lui à la conquête spatiale.  La tête dans les étoiles, rien de semble l’arrêter.